Entretien avec Estelle Pagès, directrice des études en arts plastiques à la Haute école des arts du Rhin
23 mars 2015

Entretien avec Estelle Pagès, directrice des études en arts plastiques à la Haute école des arts du Rhin

Estelle Pagès a commencé sa carrière dans le milieu de l’art après avoir obtenu un DEA en histoire de l’art contemporain. Son sujet d’étude était le lien entre l’atelier du sculpteur et sa production artistique. A l’issue de ses études, elle s’est consacrée quelques années à la gestion de collections privées avant d’en venir à l’enseignement de l’histoire de l’art, à Reims d’abord, puis à la Sorbonne, à Cherbourg et à la Réunion. Après s’être consacrée durant 15 ans à la transmission de son savoir, années durant lesquelles Estelle fut aussi commissaire et critique d’art, l’envie d’enseigner lui passa. Elle prit alors la direction de la préparation publique aux écoles d’art des Arcades à Issy les Moulineaux. Face à la prépondérance des préparations privées (très couteuses) dans l’offre des prépas post-bac, Estelle décide d’associer l’école des Arcades au programme « Egalité des Chances en Ecole d’art » et contribuera activement au développement d’un réseau de prépas publiques sous l’égide de l’APPEA (Association nationale des préparations publiques aux écoles supérieures d’art).

En 2012 elle prend la direction des études d’art plastique à la Haute école des arts du Rhin (HEAR).

Ses parcours professionnels et personnels l’ont conduite à rencontrer des profils d’étudiant très variés (français, étrangers, issus de divers milieux sociaux) c’est en partie pour cela que les questions de vivre ensemble l’ont toujours préoccupée. Elle nous explique aujourd’hui l’objectif des écoles d’art et nous dit pourquoi il est essentiel que celles-ci reflètent la mixité sociale de notre société.

Quelle est l’importance de la mixité sociale en école d’art ?

Estelle Pagès : Elle est primordiale. Les écoles d’arts forment des auteurs qui participent à la conscientisation de notre société. Il est nécessaire qu’ils viennent de différents milieux sociaux, pour que leurs productions soient variées, qu’elles puissent se combiner à d’autres visions du monde. Les regards, les perceptions sont influencées par la vie de personnes et les écoles d’art doivent aider à refléter cette diversité. Enfin nous formons à la liberté de penser, et cela ne doit pas être limité à certains groupes sociaux. Les candidats ont trop souvent des profils similaires c’est pourquoi j’ai souhaité m’engager pour la démocratisation des préparations publiques aux écoles d’arts, afin que chacun, peu importe ses moyens financiers, puisse avoir une chance d’accéder aux écoles d’art.

Quelles sont les profils recherchés par les jurys d’écoles d’arts et de classe préparatoires publiques ?

E.P. : Ce sont des personnes ayant une perception particulière de leur environnement. Leur manière d’interpréter le monde, de retranscrire cet interprétation de manière personnelle est ce qui leur permettra de se distinguer. Nous ne recherchons pas particulièrement de grands techniciens, car la technique s’acquiert au cours de formation. Ce qui est recherché c’est un regard particulier, une réflexion sur le monde qui entoure la personne. C’est pour cette raison que le book d’un candidat doit ressembler à sa personnalité artistique. Il peut y mettre ce qu’il souhaite : des dessins, des textes, raconter des expériences... c’est avant tout une manière de se représenter. Les écoles d’art sont des filières à vocation, elles demandent un grand investissement de la part de leurs étudiants, un peu comme la médecine par exemple. C’est aussi cette vocation que doivent exprimer les candidats pour réussir les concours d’admission.

Quel sont les objectifs des écoles d’art et les débouchés pour leur étudiants ?

E.P. : Les écoles d’art forment à la liberté de penser, un enseignement essentiel au regard des évènements tragiques de Charlie Hebdo. Car lorsque les auteurs sont touchés, ce sont les fondements démocratiques d’une société qui sont menacés.

Les écoles d’art forment des individus à devenir des auteurs autonomes, et les accompagnent vers l’acquisition d’un regard critique sur le monde. Nous orientons les étudiants vers une plus grande conscientisation du monde.

Elles forment par ailleurs à travailler en collaboration avec d’autres auteurs/artistes utilisant des supports différents. Les formations dispensées doivent aussi permettre d’enrichir la culture artistique des étudiants, c’est pourquoi en plus des cours pratiques il y a des cours théoriques (esthétique, philosophie, histoire de l’art...).

Les débouchés sont très variés, ils vont du design à l’illustration, en passant par la médiation artistique, l’enseignement, la régie d’exposition...

Cet entretien a été réalisé par Théau Monnet, étudiant au CUEJ Strasbourg