Nicolas Laugero Lasserre : « Je veux casser la fatalité de l'accès à la culture »
L’accès à la culture des jeunes est une obsession pour lui. A bientôt quarante ans, Nicolas Laugero Lasserre gère un lieu d’expositions et de représentations phare parisien, a créé un média culturel, organise des sorties pour les étudiants, et parraine une jeune photographe. Cet homme, passionné d’art urbain, dévoile ses infinies facettes pour le salon de Montrouge.
Comment vous est venue cette passion pour l'art ?
Je suis arrivé dans le quartier de la Buttes aux Cailles (XIIIe) à vingt ans. Les rues étaient envahies d’œuvres de street art. C'est là que tout a commencé, en 1996 : je me suis d’abord intéressé à l’art urbain. J’y prêtais attention dans la rue, puis j'ai commencé à aller à des vernissages. Un an après, j'ai acheté ma première œuvre. Cela m'a plu de vivre avec, de la savourer tous les jours.
Et vous avez un artiste préféré ?
Il y en a tellement ! J'en rencontre beaucoup lors des festivals d'art urbain. J'aime des artistes cultes comme Speedy Graphito et Jef Aerosol mais aussi l'artiste Dran exposé récemment au Palais de Tokyo. J'aime aussi soutenir la jeune génération avec Gris1, Brusk, Bault, Madame, Les Monkeys Birds ou un jeune artiste graffeur et sculpteur qui s'appelle Roti.
Vous avez fait d’une passion votre métier. Cela a commencé à l’espace Cardin…
J’ai commencé les cours Florent en arrivant à Paris puis je suis devenu attaché de presse à l’espace Cardin grâce à la confiance que Pierre Cardin m'a accordé très jeune. Je n’en suis jamais parti. Je suis directeur de ce lieu depuis 2006. Nous programmons des spectacles très hétéroclites, des concerts, des comédies musicales en passant par de nombreuses expositions. J’ai vite compris que j’avais une âme d'artiste mais mon rôle est dans la diffusion de la culture. J’ai la conviction que la culture ouvre les esprits, les rend tolérants et bien-sûr les distrait. C’est un vecteur essentiel dans la société et il faut lutter pour sa diffusion.
« Le Club Artistik Rezo constitue une communauté de fidèles et de passionnés »
Vous avez ensuite créé le média culturel en ligne Artistik Rezo dont le slogan est « agitateur de vie culturelle ». En quoi est-il agitateur ?
Notre idée était de couvrir toute l'activité culturelle avec quatre piliers : le spectacle vivant, la musique, le cinéma et l'art. L'idée est de mettre en avant à la fois les grands événements incontournables mais aussi les talents émergents. Nous nous intéressons aussi particulièrement au street art.
Il y a un club associé au site Internet...
Le club Artistik Rezo organise plus de mille sorties culturelles par an pour près de 6000 adhérents dont une grande majorité d'étudiants. Il s’agit de permettre un premier accès gratuit à la culture pour les jeunes. Nous avons donc quinze écoles partenaires qui adhèrent au club afin que leurs élèves aillent au théâtre, aux concerts ou encore découvrir des expositions en Ile-de-France sans débourser un centime. Cette initiative prend son sens grâce à plus de 250 lieux culturels partenaires. Ce modèle économique basé sur une communauté permet la pérennité du média, sans avoir recours à la publicité.
Pourquoi vous êtes vous centré sur les jeunes ?
Pour ouvrir les esprits. Il faut diffuser la culture à un maximum de personnes et la jeunesse est un moment opportun. Je pense qu’il est plus facile de s’ouvrir à 20 ans car c'est lorsque l’on est jeune que l’on prend des habitudes de sortie. Quand des enfants ne vont pas au théâtre, aux concerts ou au musée, ils reproduisent leurs habitudes à l’âge adulte. Je veux casser cette fatalité.
« Je suis là car à douze ans une passion est née »
Quel était votre rapport à la culture étant petit ?
Bercé par le chant des cigales entre Marseille et Antibes pendant toute mon enfance, j’avais moi-même un accès limité à la culture. La providence m'a permis de commencer le théâtre à l’âge de douze ans. C’était dans une Maison des Jeunes et de la Culture (MJC). Il faut soutenir ces organismes car ils font naître des vocations. Je suis ici aujourd'hui parce qu'à douze ans, une passion est née.
Vous avez une autre facette : vous soutenez la Fondation Culture et Diversité.
J’admire l’action de la fondation : ouvrir à la culture et donner un accès à des filières artistiques a des jeunes qui en sont privés. Marc Ladreit de Lacharrière, le créateur de la fondation, est un homme qui a réussi sans oublier d’aider les autres. Si tous ceux qui avaient un peu d’argent se comportaient ainsi, peut-être que nous aurions un peu moins de problèmes dans les banlieues. C’est un travail fondamental qui est mené au quotidien par Eleonore, déléguée générale de la fondation, et à mon petit niveau je veux y participer. Plus de 1000 étudiants soutenus par la fondation bénéficient gratuitement du club Artistik Rezo. En parallèle, j’ai une filleule qui s’appelle Marion Guillon. C’est une photographe, jeune diplômée des beaux arts d'Angers que je conseille, accompagne et soutiens.
Cet entretien a été mené par Clémentine Billé, étudiante au CFJ Paris